Val-de-Marne : pourquoi certaines villes ont perdu leur compétence d’urbanisme ?

Accorder un permis de construire, c’est une compétence qui revient au maire de chaque commune. Cette compétence peut, exceptionnellement, être retirée par les préfets. C’est le cas dans le Val-de-Marne. Mais pourquoi cette exception concerne-t-elle désormais plusieurs communes du département dont les villes de Saint-Maur-des-Fossés, Ormesson-sur-Marne, Saint-Mandé et Le Perreux-sur-Marne ? Nous vous expliquons cette décision.

Le logement social au cœur d’une bataille

Le préfet du Val-de-Marne, Raymond Le Deun, avait prévenu. À la rentrée 2020, il avait évoqué la possibilité de priver certaines communes du contrôle des permis de construire. En cause : leur non-respect des obligations en matière de logement social. Après les sommations, l’action. Le préfet a en effet appliqué cette sanction aux communes en dessous du quota de 25% de logements sociaux.

Cette décision faisait écho aux déclarations de la ministre déléguée au logement, Emmanuelle Wargon faites en décembre 2020. Elle affichait alors clairement sa détermination face aux municipalités qui ne s’engageaient pas suffisamment pour la construction de logements sociaux. Elle citait notamment les villes de Toulon, Cannes, Royan ou encore Mézieux, et prenait comme exemple la ville de Saint-Maur-des-Fossés. Sylvain Berrios (LR), maire de Saint-Maur-des-Fossés, avait réagi dans la foulée. « À entendre la ministre, il y a d’un côté les gentils maires qui font du logement social, et de l’autre les méchants qui n’en font pas. C’est faux. La preuve : des maires écologistes nouvellement élus refusent de bétoniser, considérant que la métropolisation à marche forcée voulue par le gouvernement n’est ni le sens de l’histoire ni la leçon à retenir des confinements successifs ¹».

Autre argument : l’empilement et l’entassement. Ces derniers vont en effet à l’encontre de la recherche d’espace et de verdure, aspirations toujours plus fortes des Français.

Des actions concrètes, mais insuffisantes ?

Le retrait de cette compétence d’urbanisme clé que constitue la délivrance des permis de construire sonne comme un choc pour les différents édiles concernés. Entre surprise et colère, leurs réactions sont marquées. C’est le cas, comme nous venons de le voir, pour Saint-Maur-des-Fossés. D’autant que la ville a validé un contrat de mixité sociale en 2017 visant à développer sa démographie jusqu’à 83 000 habitants, en faisant passer de 9 à 12 % la part des logements sociaux d’ici 2022. Un taux certes plus faible que les 25 % prévus par la loi, mais entraînant le paiement d’une taxe SRU (solidarité et renouvellement urbain), et salué à l’époque par la préfecture comme « raisonnable ».

Même constat pour la maire LR du Perreux-sur-Marne, Chrystel Royer : « Nous avons démontré qu’une autre méthode était possible, car le taux de logements sociaux a toujours été en augmentation passant de 9,77% en 2015, à 10,46% en 2017 pour atteindre enfin 12,28% aujourd’hui ». Les communes concernées mettent en avant l’évolution favorable de la part de logements sociaux dans leur mix de logements. A Ormesson-sur-Marne, Marie-Christine Ségui (LR) ne veut pas se lancer dans une « bétonisation à marche forcée de la ville », d’autant que le projet d’urbanisme a déjà fait l’objet d’une validation par la préfecture.

En plus du retrait du permis de construire, les villes concernées doivent également faire face à des amendes pour non-respect de ce quota de logements sociaux. Saint-Maur-des-Fossés règle notamment un peu plus de 6 millions d’euros par an en pénalités, avec une amende majorée.

Actuellement, ce sont neuf villes du Val-de-Marne qui ont fait l’objet d’un constat de carence en logements sociaux. Ce constat entraîne donc la perte de délivrance des permis de conduire, le paiement d’amendes, mais aussi la possibilité pour l’État de préempter des biens mis en vente pour créer des logements sociaux. Cette dernière solution vient justement d’être utilisée à Saint-Maur-des-Fossés. La préfecture du Val-de-Marne y a préempté un pavillon de l’avenue de Condé pour construire 36 logements.

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¹ Site de la ville de Saint-Maur-des-Fossés : lien ici